mercredi 7 juin 2017

LES AUTEURS INVITES : CHRISTINE MONTALBETTI



CHRISTINE MONTALBETTI

 ⓒJ. Foley

Samedi 8 juillet, à 17h / Lecture rencontre : Christine Montalbetti
Cour de la Cure Saint Maurice, Place Saint Paul

rêver sur terre



Que se passe-t-il dans l’oeuvre de Christine Montalbetti  qui fait que le lecteur est amené à produire du sens presque de vive voix ? Vive, autant dire joyeuse et feutrée. Ce pacte passé de livre en livre entre l’auteur et son lecteur conduit à tenter de préciser ce que pourrait être une poétique de la narration partagée pleinement. L’auteur semble avoir besoin de son lecteur-interlocuteur autant que celui-ci, en retour, a besoin, évidemment, que les phrases avancent et se conjuguent pour que l’histoire prenne forme et se déroule, au sens propre, tel un écheveau ou une bobine d’un temps extrêmement moderne, ayant gardé cependant un peu le souvenir d’un conte. Ce tissu narratif est fait de grâce. 
Voyager avec l’auteur est un principe, chaque paysage est peint avec précision et donne corps autant aux situations qu’il ne densifie les « acteurs ». Il n’y a qu’à voir, ou entendre ce que Christine Montalbetti a fait (au sens poétique du terme justement), avec Le Bruiteur, l’une de ses dernières créations théâtrales (en février 2017, Pierre Louis-Calixte a créé cette pièce au Studio-Théâtre de la Comédie française). Les images appellent une suite de sensations et confondent l’auditeur/spectateur, convié par la force du texte, à une rêverie étrange. Ainsi se construit l’oeuvre de la romancière, attentive aux détails qui peuplent une page quand elle prend le vent, celui qui lui est cher sans doute, venu de la mer, cette mer du Havre, ville où elle est née. 

Les livres de Christine Montalbetti ont été tous publiés chez P.O.L. Elle écrit aussi pour le théâtre: Baba court dans les paysages a été mis en espace par Philippe Calvario au Festival de Hérisson (2008), L’Avare impromptu par Nicolas Lormeau à la Comédie française dans le cadre des « Petites formes » (2009). La Maison imaginaire répondait à une commande de France-Culture. En 2009, Denis Podalydès crée Le Cas Jekyll, dont le Théâtre National de Chaillot est co-producteur, et qui tournera pendant plusieurs saisons.La pièce est reprise dans une nouvelle mise en scène d’Elvire Brisson au Théâtre des Martyrs de Bruxelles en 2012. Parmi ses romans, signalons : La vie est faite de ces toutes petites choses (2016), Plus rien que les vagues et le vent (2014), Love Hôtel (2013) et si l’on remonte encore dans le temps, Western (2005) et son premier roman, Sa fable achevée, Simon sort dans la bruine (2001). 
Sylvie Gouttebaron

 Christine Montalbetti, aux Editions POL

Extraits de "La vie est faite de ces toutes petites choses"

"Car on n'en mène pas large, vous vous en doutez, à mordre dans son hot-dog à côté de celui qui s'apprête à partir dans le vide intersidéral. On essaye de se donner bonne contenance, on ressort sur la terrasse, où l'on déboule en clignant un peu des yeux, à cause de toute cette lumière océanique sous laquelle vos pupilles peinent à accommoder. On avise un banc fixe, chevillé à la rambarde, qui vous hachure le paysage de petits barreaux fins et serrés comme les fanons d'une baleine. A moins que vous ne choisissiez de rester debout, à votre guise. Et on papote comme on peut avec ceux qui se trouvent là..."
"C'est l'heure de rentrer dans la Station. Ils s'apprêtent à le faire, et les voici tout près de l'écoutille quand Mike interrompt leur mouvement. Hé, Ron, l'aube va poindre dans quelques minutes à peine. Si on restait, juste le temps de la voir naître? La Terre est encore noyée dans l'ombre, et Mike voudrait plonger encore une fois ses yeux dans les reliefs et les flots bleus, les montagnes et les lagons, les rivières et les étendues herbeuses que la lumière frise, dans cette explosion de couleurs qui accompagne les premiers rayons du soleil, en continuant de flotter, petite silhouette fragile, orgueilleuse et magnifique, suspendue au-dessus de tout ça, offerte au grand vide, et comme en symbiose alors avec tout l'inouï de de paysage."
 "Dans leurs casiers bien étiquetés, mouches mâles et mouches femelles joyeusement se reproduisent - la seule partie plaisante de l'affaire, et il faut dire qu'elles n'ont que ça à faire, recluses qu'elles sont, quand il n'est plus question de voleter dans des cuisines ni de s'en aller parcourir le monde à la recherche de poires blettes, de pommes en décomposition ou de liquides ayant subi une costaude fermentation acétique (puisque la vérité qu'elles expriment en se posant sur un fruit abîmé ou en suçotant du vin fermenté, c'est qu'elles aiment les moisissures). Vaguement interloquées, mais soumises, nos mouches se livrent à leurs orgies anonymes dans leurs boîtes, et pondent à qui mieux mieux une descendance née dans l'espace."

 

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